3.06.2021

Catholique a ecrit :

 Cher Wahrani,

Plutôt qu’à l’heure du café, aujourd’hui, je vous retrouve à l’heure du thé à la menthe. Il commence  faire chaud ici et c’est vraiment une joie de le savourer en votre compagnie.

Vous soulevez 3 sujets sur lesquels je vais essayer de vous apporter quelques réponses.

Sur la source Q, vous faites une synthèse de la problématique à laquelle je souscris entièrement. Si le sujet vous intéresse, il y a un excellent livre, sous la direction de Daniel Marguerat « La source des paroles de Jésus »(Q). Aux origines du christianisme » que j’ai lu il y a quelques années. La conclusion qu’on peut en tirer est que cette source Q n’a jamais existé et que c’est bien Matthieu qui a écrit son évangile en 1er.

La source Q a pour corollaire la théorie des 2 sources (Marc + Q) qui présuppose que Marc est l’évangile le plus ancien. S’il est établi que Marc a été écrit après Matthieu, toute la théorie s’effondre.

Entre autres choses, cette « source Q » a été utilisée pour démontrer que les premiers chrétiens ne croyaient pas à la divinité ni à la résurrection du Christ, thèmes longtemps supposés absent de Q. Puis, les chercheurs ont fini par concéder la très haute ancienneté de la foi en la divinité et la résurrection de Jésus (op. cit. p. 254, 272). La source Q telle que reconstituée est conforme à la foi pascale...

Au final qu’en retiendra-t-on ? Cette théorie des 2 sources repose avant tout sur l’illusion d’un accès direct à la parole de Jésus, sans la médiation des apôtres qui l’ont connu, ni celle des auteurs des évangiles, ni celle de l’Eglise qui transmet à la fois la Parole et les sacrements qui reposent sur la parole et les gestes de Jésus. C’est l’illusion qu’à travers une source objective, neutre et impartiale, chacun pourrait se faire sa propre opinion sur Jésus. Mais c’est impossible puisque nous sommes tributaires de ce qui nous a été transmis par les personnes ou les institutions qui nous les ont transmis. En l’espèce, et même si ça dérange, la continuité historique et la légitimité qui en découle qui remonte jusqu’à Jésus-Christ lui-même, revient à l’Eglise catholique.

En fin de compte, je crois que ce qui a été restitué par ces travaux sur Q, c’est le fond de tradition orale qui a ensuite été utilisé par les évangélistes.

Arrêtons-nous sur Paul…

Figurez-vous que ces dernières semaines, j’ai relu toutes les épîtres de Paul (sauf Romains) ainsi que les Actes des Apôtres. Et vous savez quoi ? Paul est franchement antipathique…Lui, le persécuteur, qui n’a jamais connu Jésus pendant son ministère public (et qui n’était d’ailleurs probablement même pas en Judée au moment des faits) mais qui devient persécuteur de la jeune Eglise, sans rien savoir des faits fondateurs et que les prodiges et le témoignage des apôtres ne convainc pas, le voilà qui fait la leçon à tout le monde, y compris à des proches de Jésus, des gens qui eux, au moins, ont vraiment connu Jésus-Christ, il se prend la tête et se fâche avec tout le monde, avant de se réconcilier et encore, il fait la leçon au chef du collège apostolique, Simon-Pierre lui-même !

J’admire d’ailleurs l’humilité et le sang-froid de ce même Pierre qui a eu la grâce d’une exceptionnelle amitié de Jésus, sans que cela lui donne un atome d’envie de fanfaronner à longueur de lettre sur ses titres, ses privilèges, ses extases et ses révélations ! Jamais Pierre ne revendique son autorité de chef du collège apostolique en claironnant « je suis votre chef » ou en tordant les faits à son avantage.

Comparez les adresses des brèves lettres de Pierre et de Jean avec celles de plus en plus pompeuses voire pompantes de Paul. Pierre et Jean étaient les meilleurs amis de Jésus, avec qui ils ont entretenu pendant plusieurs années une grande intimité du cœur et de l’âme. Leur apostolat en est tout imprégné et en fin de compte, ces 2 hommes n’avaient à se justifier de rien ni à revendiquer quoi que ce soit tant la légitimité de l’un comme de l’autre était éclatante, par leur compagnonnage avec Jésus pendant son ministère public, par l’amitié étroite que chacun entretenait avec lui, par la confiance que Jésus a témoigné à chacun des deux à travers des grâces et des charges particulières qu’Il leur a confié avant sa résurrection et confirmé après (Jn 21).

Paul n’a rien de tout ça. Et d’ailleurs, il est discrédité d’avance : élève de Gamaliel, il était un pur produit de l’éducation rabbinique qu’il avait reçu et que Jésus fustigeait souvent ; originaire de Cilicie, il n’a probablement entendu parler de Jésus que par ouï-dire sans jamais le rencontrer et en fin de compte, partisan acharné de l’éradication de l’Evangile de Jésus.

A quoi tient le témoignage de Paul au point qu’on pourrait se débarrasser de ses lettres parfois brouillonnes, ou tellement dépendantes d’un contexte particulier qu’elles en seraient caduques ?

Il faut commencer par se demander « qu’est-ce qu’un apôtre ? » La réponse est en Actes 1,22. Un apôtre est quelqu’un qui a suivi Jésus depuis la baptême de Jean jusqu’à sa résurrection dont il a été témoin. Ce n’est pas le cas de Paul, pour des raisons qu’on ne peut d’ailleurs lui reprocher : il n’était même pas là. Ce que le chapitre 9 du livre des Actes des Apôtres , puis les mentions suivantes de ce même livre (22, 6-11 ; 26, 12-19) présente Paul, comme un témoin du Christ ressuscité. Paul lui-même, dans ses épîtres n’écrira à propos de sa rencontre avec le Christ ressuscité qu’assez discrètement.

Il y a un mystère « Paul » qui nous invite à réfléchir, parce que ce Paul, il me ressemble. Jésus s’est manifesté à lui, sans que ce dernier ait fait quoi que ce soit pour trouver grâce à ses yeux, au contraire ! Paul n’a rien qui permette de donner une quelconque raison à la grâce que Dieu va lui manifester. Il ne faisait pas partie de ce peuple des simples que Jésus aimait tant, au contraire, il appartenait à la caste de ses détracteurs. Il est choisi par Dieu bien plus pour toutes ses carences spirituelles et ses travers humains que pour l’étendue de sa bienveillance et de sa charité ! Parce que le témoignage de Jésus n’avait pas vocation à rester la propriété de ceux qui l’avaient connu, en Galilée, parce que cela aurait créé une distance et un privilège qui aurait rendu impossible ou très difficile, la rencontre avec Jésus pour les gens d’hier et d’aujourd’hui, qui ne l’ont pas connu. Tout chrétien d’aujourd’hui et des générations chrétiennes qui se sont succédées depuis la mort du dernier apôtre «historique» a comme modèle, l’expérience de Paul, jusqu’au martyre.

Vous avez raison sur les lettres, elles reposent en partie sur un artifice littéraire qui présente sous forme de lettres, des traités (Romains, Hébreux) et des homélies (Ephésiens). Il y a aussi d’authentiques correspondances ou regroupements de correspondances en réponse à une sollicitation de telle ou telle église (1 & 2 Corinthiens).

J’attire votre attention sur quelques détails : Pierre mentionne Paul en 2 Pierre 3, 15-16. Une étude des noms des personnes citées dans les divers écrits permet d’établir des liens intéressants : Marc est le seul à préciser que Simon de Cyrène est le père d’Alexandre et Rufus (Mc 15, 21). On retrouve Rufus en Romains 16, 13 ce qui tend à prouver que Marc a écrit son évangile à Rome et qu’il y avait là, des témoins de la Passion du Christ qui pouvait accréditer son récit. Sylvain apparaît dans les lettres de Paul et dans celle de Pierre dont il a été le collaborateur. Cela rend vivant le travail d’évangélisateur réalisé par les apôtres : ils s’appuyaient sur des équipes avec diverses compétences.

En revanche, cher Wahrani, l’Apocalypse n’est pas un livre de haine. C’est un livre de réconfort et de persévérance : « Il essuiera toute larme de leurs yeux ; il n’y aura plus de  mort, il n’y aura plus n deuil, ni cri, ni peine car la condition primitive est passée ».

« Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec tous ! Amen » Ap. 22, 21

à la joie de vous lire !

Catholique


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Wahrani a écrit :

  Je vous cite : Mais, Eh … Oh… Kader, c’est oublier que l’Algérie a été colonisée par les turcs bien plus longtemps que les français : 30...