3.06.2021

Catholique a ecrit

Cher Wahrani,

Votre exposé est brillant et bien conduit et pour un large part, tout à fait exact et je le reconnais volontiers.

Mais il y a, dans votre bel édifice intellectuel, quelques inexactitudes et autres approchés biaisées des faits qui le rendent fragile.

Non, et vous allez bien vite en besogne. Être païen ne veut pas dire nécessairement être initié à un culte à mystères ; encore moins quand on est chrétien d’origine païenne.

Les premiers chrétiens étaient tous juifs. La prédication des apôtres s’est toujours systématiquement adressée aux juifs en premier. Le second cercle d’évangélisation était celui des «craignant-Dieu» : des païens qui, sans franchir l’étape formelle d’une conversion au judaïsme, étaient de fait monothéistes, adorant le Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob, et reconnaissant le contenu de la Révélation, à travers la Loi et les Prophètes.

Ces gens-là rejetaient le paganisme officiel comme celui s’exprimant dans les cultes à mystères, pour autant qu’ils auraient eu le moyen de s’y intéresser (présence d’une confrérie et d’un lieu de culte).

L’annonce de l’Evangile aux païens a été le lieu de la première crise dans l’Eglise, voyant s’affronter trois courants : l’ouverture large fondée sur le seul baptême (Paul) ; l’accès restreint fondé sur le baptême et quelques règles inspirées de l’alliance noachique (Jacques) et le passage obligé par la circoncision et le respect des commandements de la Torah (le judéo-christianisme ancien). Cette crise est présentée dans le livre des Actes des Apôtres et évoquée par Paul dans plusieurs lettres.

C’est la position de Paul qui va prospérer car elle est la seule qui offre une perspective d’avenir pour la jeune Eglise. La position médiane de Jacques va rapidement montrer ses limites et être abandonnée. Quant au judéo-christianisme ancien, il va se scinder en différents courants qu’on appellerait sectes, divisés par des divergences de vues sur la nature du Christ. Certains historiens voient dans l’Islam et le Coran des vestiges de sources judéo-chrétiennes.

Dans les lettres de Paul, la problématique des relations entre chrétiens issus de différentes traditions religieuses mais aussi des chrétiens avec leurs concitoyens païens se focalisent sur deux sujets : la consommation de viande et l’éthique sexuelle. C’est particulièrement évident dans la 1ère lettre aux Corinthiens : les chrétiens de Corinthe s’inquiètent de savoir s’ils offensent Dieu en mangeant des viandes qui proviennent des sacrifices païens. C’était le cas des viandes de boucherie qui provenaient de l’abattage des bêtes dans les temples : les pièces de boucherie qui n'étaient pas brûlé en sacrifice aux divinités étaient vendues au marché. Paul répond que les idoles et leurs sacrifices ne sont rien, mais que si cela doit gêner la conscience de chrétiens moins assurés, alors il ne faut pas prendre le risque de les choquer. Il évoque ensuite le respect du mariage entendu selon la vérité évangélique, autour de valeurs étrangères au paganisme : la fidélité, la monogamie stricte et les obligations réciproques des époux.

Ce qui est important, c’est de voir le souci des chrétiens les plus simples, vivant dans de grandes villes païennes, de ne pas donner prises à des pratiques païennes ou à donner un mauvais exemple de conduite.

Les Pères Apostoliques étaient soit juifs convertis au christianisme, soit issus de familles « craignant Dieu », monothéiste de conviction et se tenant à distance des pratiques païennes. Les Pères apostoliques sont issus de ce milieu et ont la connaissance qui va avec.

Plusieurs points les caractérisent : les pères apostoliques ont personnellement connu les Apôtres (Pierre et Jean, pour Polycarpe, Clément et Ignace) dont ils ont reçu de leurs mains, la charge de leur succéder à la tête de leur communauté (devant ainsi évêque). Ils ont une connaissance pointue de l’Ecriture : leurs écrits abondent de citations de l’Ancien Testament et enfin, une parfaite fidélité à l’Evangile. Ces apôtres, tous juifs, tous témoins de la Résurrection du Christ, auraient-ils toléré des demi-chrétiens  aux convictions mélangées de paganisme ?

Il y a enfin une dernière constante parmi eux : le martyre. L’Eglise a été persécutée, d’abord par les Juifs qui craignaient les représailles romaines en réponse à leur rébellion et qui ne voulaient pas reconnaître un messie humble et crucifié. Elle est venue ensuite des païens qui considéraient qu’ils étaient une menace pour l’ordre établi tant terrestre que divin.

Le peuple païen attribua à l’impiété des chrétiens diverses catastrophes tandis que le pouvoir impérial ne pouvait tolérer leur peu d’entrain au culte impérial. C'est pour leur répondre que Saint Augustin écrivit la "Cité de Dieu".

Ce qu’on reproche aux chrétiens, c’est de manquer d’esprit d’équipe et de loyauté, matérialisée par la participation au culte rendu aux divinités de la cité et à l’Empereur.  On demande peu de choses au chrétien en fin de compte : jeter quelques grains d’encens devant l’autel dédié à l’Empereur. Mais même cela, le chrétien le refuse comme une apostasie. Certains soudoient le magistrat et obtiennent des certificats de complaisance : c’est moche mais de fait, ils n’ont pas sacrifié à une divinité païenne. Et il y a ceux qu’on appelle les « lapsi », par peur, ils ont cédé, renié leur foi et ont regretté.

Ils vont poser un grave problème à l’Eglise de Rome : certains évêques sont favorable à une réintégration de ces renégats dans l’Eglise, sous réserve d’une pénitence sévère ; tandis que d’autres les considère comme en rupture définitive de communion.

Beaucoup préfèrent mourir que de renier leur foi en Dieu Père, Fils et Saint-Esprit. C’est dire que le souci constant des chrétiens a bien été de se tenir à distance des païens et de ne pas laisser leurs croyances et leurs rites polluer la pureté de leur foi. Ils ont préféré mourir plutôt que de laisser une pareille abomination se produire

Si les liens entre paganisme et christianisme étaient aussi étroits que vous le dites, personne n’aurait persécuté personne et les chrétiens auraient sacrifié aux divinités de leurs concitoyens et participé aux prières pour la protection de la cité et de son souverain, avant de retourner à leurs rites propres.

Non, Wahrani, ce qui motive la persécution chrétienne à Jérusalem par les autorités juives est la crainte de la répression romaine. Les premiers chrétiens annoncent Jésus, roi et Messie. Comprenant ce discours de façon terrestre, les autorités juives comme romaines d’ailleurs, voient dans les chrétiens, des séditieux qui rejettent l'autorité de César. Voyez le discours de Gamaliel en Actes 5, 33-40 ou encore la dénonciation calomnieuse dont Paul fait l’objet en Actes 17, 7. Ce qui fait bouger les juifs, c’est l’annonce d’un messie crucifié, leur stratagème consiste à manipuler les autorités romaines en leur parlant un langage que les gouverneurs locaux comprennent : contester le pouvoir de César au profit d’un autre roi. Ils obtiendront la persécution au terme d’un jeu de dupe où chacun voit midi à sa porte.

Non. Les saints de l’Antiquité sont précisément et majoritairement ceux qui ont préféré mourir plutôt que de renier leur foi. On les qualifie généralement de « confesseur » au sens de ceux qui ont confessé, reconnu la foi chrétienne comme seule vraie foi et qui ont été exécuté pour cela.

Les démons sont des anges déchus, qui ont suivi Satan dans sa révolte.

Non, la fête des Rameaux célèbre l’entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem, la foule ayant agité des palmes à son passage. 

Voyez Mt 21, 1-11 mais aussi 2 Macchabées 10, 7.

L’Eglise a en effet, toléré des pratiques de fêtes populaires qu’il était difficile d’éradiquer. Le Carnaval a bien des visages et cette inversion annuelle et traditionnelle des rôles dévolus à chacun dans une société se retrouve dans de nombreux folklores aux 4 coins du monde. Comme son nom l’indique, le carnaval, c’est « l’adieu à la viande »…juste avant le Carême où l’abstinence de produits carnés est de rigueur pendant 40 jours. On pourrait le voir comme une sorte d’anti-Carême, de moyen d’extérioriser toutes les pulsions sauvages que l’on essaiera de maîtriser durant le temps de pénitence

On s’y perd un peu dans le mélange des genres que vous faites…Il nous faudrait faire appel aux ressources de l’anthropologie, de l’ethnologie, de la psychologie et de l’iconographie pour commencer à saisir la portée des manifestations que vous citez ici. J’y reviendrai, si Dieu veut.

Je vous souhaite une belle journée !

Catholique


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Wahrani a écrit :

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