9.26.2020

Catholique a ecrit

 

Cher Wahrani,

Les liens établis entre le paganisme et le christianisme des premiers siècles sont factices. Par exemple, vous écrivez :

Cette idée repose sur un ouvrage écrit au 19ème siècle par un occultiste du nom de Gérald Massey, «The historical Jésus and the mythical Christ». Autant dire des affirmations privées de tout fondement, de tout accès à la connaissance par la littérature ou l’archéologie.

Une étude plus poussée permettrait d’établir les nombreuses différences formelles et mythologiques entre les divinités que vous citez. Osiris, le « dieu vert », était le dieu de la fertilité. Dionysos, celui du vin. Attis était le parèdre de Cybèle ; quand Isis est l’épouse d’Osiris. Ajoutons-y, au fil des époques, les variations dans la forme du culte et les transformations des récits fondateurs par l’adoption de ces cultes dans les peuples méditerranéens ou orientaux.

En apparence, ça se ressemble ; quand on creuse, les différences sont nettes et tout s’effondre.

Le premier coup mortel porté au paganisme antique le fut par Philippe de Macédoine à la bataille de Chéronée en 338 avant Jésus-Christ face à la coalition des Cités grecques. La défaite des Cités mit en évidence l’impuissance de leurs divinités à les défendre. Les cultes civiques, essentiellement fonctionnels (fertilité, fécondité, force armée et sauvegarde de la cité) sont remis en cause et renvoient chacun à des besoins religieux nouveaux qui apparaissent : puisqu’on ne se sauvera plus ensemble (religion civique), on se sauvera tout seul (religion à mystère, sotériologique).

Quand le christianisme apparaît, le paganisme officiel est déjà en décadence depuis 400 ans et ne trouve de vitalité que dans les cultes à mystères, souvent orgiaques.

En fait, ces théories très connues qui font du christianisme une religion qui aurait délibérément emprunté aux religions païennes, à partir d’un fond issu du judaïsme pour mieux se diffuser est faux. Pourquoi ? Parce que les sources disent le contraire et parce que, correctement analysés, les faits ne sont pas ce qu’ils semblent être.

Pour faire une analyse correcte, il faut commencer par décrire la situation exacte du paganisme, au 1er siècle, dans les différentes provinces romaines au moment où le christianisme s’y implante. Il faut évidemment relier cette apparition du christianisme, à l’importance démographique et culturelle de la communauté juive qui y vit aussi.

Surtout, il faut s’intéresser aux hommes et à leur parcours spirituel, intellectuel, religieux. Tel père apostolique, tel évêque était-il initié à un culte à mystères ? Y avait-il seulement accès (comprendre : l’existence d’un tel culte est-elle attestée, qui soit contemporain et qui aurait pu réellement influencer tel ecclésiastique ?). Quand on croise toutes ces informations, toutes ces théories s’effondrent. Soit parce que les cultes à mystères ne sont attestés que bien après la fondation de la communauté chrétienne locale ; soit parce que les évêques sont d’origine juive ou de famille depuis longtemps chrétienne et n’avaient aucune raison d’être intéressés ou informés par ces cultes.

Je prends l’exemple de Mithra : la diffusion de son culte suit les routes militaires et commerciales, ses adorateurs se recrutant essentiellement parmi les soldats et les marchands. La sociologie du christianisme est toute autre  et la carte de sa diffusion sensiblement différente. Des ressemblances formelles ne forment pas des correspondances mais des coïncidences.

On pourrait prendre encore l’exemple du culte marial. Les protestants reprochent aux catholiques une manière excessive d’honorer la Sainte Vierge Marie ; certains historiens voient dans la dévotion mariale, une résurgence et un maintien de l’adoration des grandes déesses-mères, très répandu dans l’Antiquité. Il n’en est rien.

Jusqu’à l’édit de Milan, le christianisme est une religion illicite. Le culte s’exerce dans la clandestinité. Clandestinité relative toutefois : certaines provinces ou localités une fois entièrement chrétiennes étaient plus difficiles à y empêcher le culte chrétien, à moins de provoquer un génocide. Pour protéger leur foi, les chrétiens ont célébré leur liturgie en secret, ce qui a souvent fait naître des rumeurs folles sur ce qui s’y passait. Les liturgies en l’honneur de Marie sont en réalité très anciennes, mais elles sont longtemps restées discrètes, y compris pour ne pas donner prise à une confusion avec les cultes aux différentes divinités féminines.

L’origine de la dévotion mariale est scripturaire. Elle commence avec l’évangile selon Saint Luc qui dans son récit de la Visitation cite ce qui semble être une hymne mariale de la liturgie de l’Eglise de Jérusalem : le Magnificat. Marie est toujours nommément désignée et présente aux moments les plus importants du ministère de Jésus-Christ, puis de la naissance de l’Eglise. C’est une manière de souligner l’importance de ce qui se passait et de révérer la mémoire de Marie.

Ce que les évangiles et la tradition ont recueilli des paroles et des gestes de Marie est à la fois très ancien et la preuve de l’existence d’un amour particulier des chrétiens des origines pour Marie, en tant que mère du Seigneur, servante du Seigneur et mère des croyants et non pas « déesse de la fécondité ». Là encore, la vie très réelle de la Sainte Vierge n’a rien à voir avec la mythologie propres aux déesses antiques.

Ces liens supposés, devenus une reprise des cultes anciens dans le culte nouveau de l’Evangile, ne sont que des apparences et des explications faciles.

Avec toute mon amitié, cher Wahrani !

Catholique

 

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Wahrani a écrit :

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