3.06.2021

Catholique a ecrit :

 Bonjour cher Wahrani,

Mon café étant bien chaud et la pluie tombant à verse, je reprends avec plaisir notre conversation.

Je vais vous faire partager mon expérience personnelle de ces gens-là. J’avais des amis protestants évangéliques et j’allais de temps en temps assister à leur culte du dimanche. C’était simple et joyeux et digne, avec des chant, des prières et un commentaire de la Parole. Au début des années 90, ils ont vu arriver dans leurs communautés, des missionnaires américains pentecôtistes, ces fameux « Born again » qui sont venus leur expliquer qu’ils n’avaient pas reçu l’Esprit Saint, que leur baptême ne valait rien (surtout s’il l’avait reçu enfant) et qu’ils ignoraient tout du véritable Evangile (le leur évidemment). Mes amis ont regardé ces gens comme d’aimables illuminés qui viendraient leur apprendre l’Evangile, à nous qui étions chrétiens depuis de nombreuses générations ! Ils ne les ont pas pris au sérieux.

Mais ces gens ont troublés les personnes les plus vulnérables à qui ils ont vendus du rêve et ils ont aussi attiré toutes sortes de beaux parleurs qui y ont vu une aubaine pour battre leur beurre ! Le visage du protestantisme évangélique français en a été transformé : le pentecôtisme l’a entièrement phagocyté, grâce au tapage des charlatans qui en vivent, au détriment de personnes vulnérables psychologiquement ou socialement. C’est très grave et les abus y sont nombreux. Vous l’avez peut-être su mais l’épidémie de coronavirus en France a été propagée à partir d’une grande célébration d’une de ces méga-church pentecôtiste de Mulhouse…

Ils rendront compte de chaque âme qu’ils auront souillée de leur manipulation détestable devant leur Créateur.

Pour ma part, il se trouve que je n’ai pas reçu d’éducation religieuse pour toutes sortes de raisons qui tiennent en particulier au divorce de mes parents quand j’étais enfant. J’ai été baptisée tout bébé mais je n’ai pas fait le caté, ni le parcours habituel (1ère communion, confirmation). J’ai été confirmée à l’âge adulte, à peu près à cette époque-là, au début des années 90. Quelques jours avant cette importante célébration, j’ai reçu un long courrier d’une de mes amies totalement tombée sous la coupe de ces gens-là, où elle m’expliquait que l’eucharistie était un culte satanique et que je m’apprêtais à faire allégeance à Satan.

J’ai perdu des amis, persuadés qu’ils étaient, du seul fait que j’étais catholique, que je servais le Diable.

Alors, vraiment, Wahrani, je partage votre avis sur le grand danger et le tort qu’ils font aux musulmans, comme aux chrétiens. Je crois d’ailleurs que les malheureux qui tombent dans le piège, sont plus à plaindre qu’à blâmer et qu’il faut essayer, avec douceur, de leur faire comprendre à quel point on les a trompés.

Les expressions « Ancien testament » et « Nouveau testament » sont bien d’origine scripturaire. Elles sont utilisées par Paul dans 2 Corinthiens 3, 14 et dans Hébr 9, 15. En grec, c’est le mot « diatheké » qui est employé qui est traduit indifféremment par « alliance » ou « testament ».

Le nœud du problème est le suivant : les premiers pères, apostoliques ou de l’Eglise, ne se sont jamais intéressés à la façon dont le Nouveau testament  a été rédigé et compilé. Il faut attendre Irénée de Lyon, à la charnière entre le 2ème et le 3ème siècle pour avoir un début d’histoire des écritures chrétiennes.

Les historiens en sont réduits, on va dire, à des constatations portées par les textes eux-mêmes.

Par exemple, l’existence des textes apocryphes est mentionnée par Justin de Naplouse vers 130 et Irénée, vers 180. On ne peut faire remonter ces textes au-delà de ces dates. De même pour les textes du Nouveau Testament qui sont cités par les pères apostoliques : ils traduisent l’existence d’un canon reconnu de fait sans qu’il soit besoin d’en publier une liste officielle qui s’imposerait à l’Eglise universelle. Et comme vous le dites, il y a eu des textes « flottants » : le Pasteur d’Hermas était reconnu ici et là, avec d’autres textes qui étaient très populaires et appréciés et conformes à la foi. C’est l’émergence de textes pas tant « apocryphes » que contraires à la foi reçue des apôtres qui a conduit à substituer la norme à l’usage. On n’a pas tant cherché à constituer un canon qu’à écarter des textes qui n’étaient pas inspirés, voire franchement hérétiques.

En effet, Jésus et ses apôtres s’exprimaient en araméen et le Nouveau Testament est plein de tournures sémitiques qui trahissent la langue d’origine de ses auteurs. Là encore, il y a des montagnes d’hypothèses et d’articles sur la question de savoir si les évangiles ont été écrits d’abord en araméen avant d’être traduits en grec ou s’il y a eu une écriture directement en grec. Irénée affirme que l’évangile selon Saint Matthieu a été écrit en langue hébraïque avant d’être traduit en grec. C’est possible puisque son évangile est tournée vers l’annonce de l’Évangile aux juifs. Toutefois, il n’existe aucun manuscrit ni aucune preuve directe d’un état premier des évangiles en araméen.

Ajoutez à cela plusieurs circonstances historiques contenues dans les Actes des Apôtres : l’Evangile est accueilli très tôt par les Juifs « hellénistes » (ça veut tout dire), par les craignants Dieu (également hellénophone) et rejeté tout aussi rapidement par les juif palestiniens araméophones mais qui connaissaient également le grec.

Mon point de vue est que les divers écrits du Nouveau Testament ont été directement écrits en grec parce qu’ils étaient destinés à un public dont c’était la langue usuelle. Et en plus, ces textes avaient vocation à circuler de communauté en communauté (Colossiens 4, 16), dans un Empire romain où le grec était langue commune, langue de culture et de littérature. Quant aux réécritures des copistes, je ne suis pas convaincue : d’abord parce que les manuscrits les plus anciens ne portent pas de trace de réécriture (une variante sur 1 ou 2 mots n’est pas une réécriture, pas plus qu’une lectio facilior…) et portent au contraire une remarquable stabilité du texte ;  enfin la langue, le style et l’intention de l’auteur sont d’une homogénéité remarquable d’un bout à l’autre des textes. Matthieu emploie un vocabulaire numismatique et fiscal précis qui est sa marque d’auteur et trahit son premier métier ; Luc emploie des termes cliniques et professionnels qui correspondent à son métier de médecin. Des scribes bien ou mal intentionnés n’auraient pu intervenir sans que ce soit évident parce qu’ils auraient saccagé l’unité et la cohérence de l’ensemble. 

Quand Paul écrit, il répond à des situations locales dont il a été informé ou à des lettres, perdues maintenant, envoyées par les communautés pour le consulter sur des points soit de discipline interne des assemblées, soit parce que des gens, les judéo-chrétiens, viennent perturber les chrétiens en essayant de leur faire adopter les observances juives. Tout ceci est trop concret et enraciné dans la réalité vécue des jeunes églises pour être le produit de l'imagination de leurs auteurs. Ce n'est que rarement et souvent quand la situation est particulièrement grave que Paul rappelle ou clarifie l'enseignement reçu.

Vous avez raison de dire que les apôtres étaient des gens simples et sans instruction. Il faut cependant nuancer. Matthieu Lévi était collecteur d’impôt, homme d’argent et d’administration, il avait une connaissance pointue des prophéties messianiques et structure rigoureusement son propos autour de son intention de démontrer que Jésus est bien le Messie d’Israël, celui annoncé par les prophéties, pas par les attentes populaires ou rabbiniques d’un guerrier libérateur et sûr de lui. Jean était de famille sacerdotale et là aussi, s’il n’a pas suivi l’enseignement d’un rabbin qui lui donnerait autorité selon la norme juive, son évangile est tout imprégné de sa connaissance de l’Ancien Testament, y compris les textes dits « deutérocanoniques » qu’il connaît (en particulier Baruch). Paul lui, a été l’élève de Gamaliel, le plus grand rabbin de sa génération puisque descendant de Hillel.

Les apôtres n’avaient pas suivi le cursus rabbinique qui leur auraient permis d’édicter la norme (halakha) ; en revanche, leur connaissance de l’Ecriture était réelle et solide. C’est sensiblement différent.

Il y a un sujet qui n’est que trop rarement l’objet de recherches et qui me fascine. Je suis persuadée qu’il contient nombre de réponses que nous nous posons : les liens intertextuels. Chez les différents auteurs du Nouveau Testament, il y a de nombreuses expressions communes et des allusions, comme une évidence, à des épisodes des évangiles et donc au ministère public de Jésus. On trouve sous la plume de Paul, des formulations quasi-johanniques ; idem chez Pierre qui fait référence à l’attitude du Christ dans sa Passion comme quelqu’un qui a vu de ses yeux ce qu’il rapporte. Les auteurs ne s’étendent pas sur ce qu’ils considèrent comme acquis pour les destinataires de leurs lettres : ils ont les évangiles et la prédication orale apostolique à leur disposition et ils savent très bien à quoi ils font allusion.

Les prophéties et les promesses divines ont bien été accomplies. Selon le projet de Dieu, pas selon ce que les juifs attendaient. Ils ont loupé le coche en se trompant de perspective.

Le projet d’alliance de Dieu est pour l’Humanité entière et vous le dites avec raison : Dieu fait alliance avec Abram avant même la naissance de chacun de ses fils. La promesse est faite avant qu’Abram ait même rien de concret sur quoi appuyer sa propre foi. Il n’a rien, il est vieux, son épouse est vieille et Dieu lui fait une promesse totalement farfelue de bénir toutes les nations à travers lui. Abram n’est ni juif ni circoncis ni père. Sa richesse ne lui sert à rien et il va s’en aller en ne laissant rien ni personne derrière lui, juste son régisseur Eliézer de Damas à qui seront dévolus tous ses biens (Gn 15, 2). 

En dépit de la réalité, Abram va faire totalement confiance à la parole de Dieu, à ce Dieu qui s’engage en sa faveur, librement, gratuitement et sans rien demander en retour que son écoute et sa fidélité. Nous sommes loin des pratiques religieuses desséchées et de la nostalgie d’une grandeur passée, si tant est qu’elle ait existé.

Les vrais enfants d’Abraham sont ceux-là qui adoptent les qualités spirituelles d’Abraham, son attitude d'adhésion totale et aimante à la volonté de Dieu.

J'ai une petite interprétation personnelle, à partir de Gn 12, 7 : je crois que Dieu a longtemps cherche un homme avec les qualités du cœur qu'Abram avait, je crois que le Seigneur a murmuré à l'oreille de tous les hommes de ces générations "Je donnerai cette terre à ta descendance", cette terre-là, celle que tu foules en ce moment même, la tienne mais que le cœur des hommes est trop sec et fermé pour écouter autre chose que le ronron des pensées égoïstes. Abram est le 1er et le seul à avoir eu l'oreille du cœur suffisamment libre et accueillante pour entendre cette parole et y répondre. Il avait branché sa radio intérieure sur la fréquence de Dieu et capté le message. C'était à ce moment-là, sur cette terre-là. Cela aurait pu être un autre, ailleurs, à un autre moment. Que le Nom de Dieu soit sanctifié !

Je vous souhaite une belle journée ! A la joie de vous lire !

Catholique


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Wahrani a écrit :

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