3.06.2021

Catholique a ecrit :

 Cher Wahrani,

Echanger avec vous est une joie et un honneur. Savez-vous que j’apprécié tellement notre conversation qu’elle fait partie de mes petits plaisirs hebdomadaires : après avoir pris connaissance de votre message, je prends beaucoup de plaisir à préparer une réponse, en sirotant mon sacro-saint café…et je suis très heureuse de savoir que nous avons des lecteurs qui prennent plaisir à suivre notre conversation !

Vous soulevez un sujet d’étude bien connu désormais des historiens, fascinant à bien des égards et où je reconnais que je n’ai pas toutes les réponses mais, à dire vrai, nous sommes nombreux à ne pas les avoir.

Ma réflexion partira d’un livre de François Blanchetière, « Les premiers chrétiens étaient-ils missionnaires (30-135) ? » dont voici un extrait capital :

« En résumé, que des non-juifs aient été attirés par le mode de vie juif est indéniable. Mais qu’il y ait eu des prosélytes n’implique nullement que des juifs se soient faits « missionnaires ». De même l’existence d’un « prosélytisme » (au sens moderne du terme) ad intra ne pose pas problème. En revanche, un prosélytisme ad extra est beaucoup plus problématique pour l’époque de la fin du Second Temple et l’ère des Tannaïm, soit les deux premiers siècles de l’ère commune », p. 103

A l’époque de l’apparition du christianisme, le judaïsme, que l’historiographie appelle « judaïsme ancien » est divisé en plusieurs courants, qui se détestent parfois et se discréditent mutuellement. Les pharisiens méprisent les sadducéens et les gens du peuple : les premiers parce qu’ils n’acceptent que le Pentateuque et le culte au Temple comme fondement de leur pratique juive ; les seconds parce qu’ils observent peu ou mal ou pas du tout les commandements de la Torah. Les esséniens vivent à l’écart de tout et de tous, pour protéger leur pureté rituelle et celle de leur foi millénariste. A l’intérieur du judaïsme, chacun tente de rallier tel ou tel à sa faction, persuadé qu’il est d’être détenteur du seul judaïsme « valide ». Mais, il n’y a pas de juifs qui chercherait à convertir un païen au judaïsme. Pour une raison évidente : le judaïsme s’appuie sur une révélation nationale, l’Alliance n’appartient qu’aux fils de Jacob.

Pour les premiers chrétiens, qui n’en demeuraient pas moins juifs, l’Evangile était l’accomplissement de toutes les prophéties de la Bible, dans la personne d’un autre juif, Jésus-Christ, circoncis et observant des commandements comme eux-mêmes l’étaient. 

Pourtant, à un moment, l’Evangile va s’affranchir du judaïsme et l’annonce de la Bonne nouvelle va être ouverte aux païens. C’est nouveau, c’est une rupture radicale et cela n’a rien en commun avec quelque chose qui aurait existé déjà dans le judaïsme. C’est révolutionnaire et cela a suscité des résistances, des tensions, des incompréhensions dont les textes témoignent, les Actes des Apôtres et les lettres de Pierre, Jacques et Paul.

Pourtant, les apôtres ont pu puiser dans la merveilleuse pédagogie de Jésus-Christ, pendant son ministère public pour oser s’affranchir des traditions ancestrales et même, des préjugés négatifs à l’égard des non-juifs. Si la prédication de Jésus s’effectue en priorité en direction des juifs, ses rencontres avec les non-juifs sont souvent bien plus importantes et développées : c’est avec la Samaritaine (Jean 4) ou avec la syro-phénicienne que le Seigneur s’attarde pour une conversation qui se transforme en conversion vraie. Il admire la foi du centurion et en fait l’éloge, là où parfois il ne prend pas le temps de s’attarder avec des juifs, pharisiens  ou sadducéens. Mais déjà, les fondements de l’universalité de l’Evangile avaient été posés par le Christ lui-même.

Ce n’est pas Paul qui va baptiser en premier un non-juif, c’est Pierre (Actes 10) qui baptise Corneille et les siens et déjà cette initiative va susciter des incompréhensions de la part des responsables de l’Eglise de Jérusalem.

Paul s’inscrit en fait dans les pas de Pierre, ce n’est donc pas lui qui a « inventé » le baptême des non-juifs.

Le concile de Jérusalem, en 49, tourne moins autour de la conversion des non-juifs que du problème de la commensalité. De fait, les jeunes communautés chrétiennes rassemblent des chrétiens d’origine juive et païenne. Les uns, encore attachés à leurs prescriptions rituelles, continuent à manger casher quand ceux d’origine païenne ne sont pas tenus par ces usages. Cela occasionnait des difficultés pratiques pour le partage du repas en commun qui se pratiquait encore : les uns ne pouvaient pas manger ce que les autres proposaient.

J’arrête là pour le moment, je reviendrai sur certains points si Dieu veut.

Avec toute mon amitié !

Catholique


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Wahrani a écrit :

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