9.12.2020

Catholique a ecrit

Bonjour Wahrani,

Il y a dans votre message-ci, des choses qu’on trouve dans également dans notre autre fil de discussion. Si vous permettez, je n’y réponds pas, pour éviter de me répéter : ma réponse d’hier dans le fil sur Ismaël contient ce que je peux avoir à en dire.

En réfléchissant avec vous, je suis finalement assez décontenancée par une question : en fin de compte, c’est quoi «Israël» ? Je m’explique : à partir du donné biblique, « Israël » est d’abord une personne, Jacob. Puis un peuple, fait des descendants de cet homme, les «fils d’Israël» qui vont devenir « le peuple d’Israël », désigné finalement comme «Israël» tout court.

A partir du donné historique, cela devient plus épineux. Que nous disent les quelques sources archéologiques, épigraphiques et littéraires extérieures à la Bible : qu’Israël a toujours été un petit peuple, sans grand pouvoir dans les affaires du monde, dont la culture n’a jamais connu ni le degré de sophistication ni le rayonnement des riches civilisations méditerranéennes et dont l’existence a toujours été menacée. La Bible ne dit rien d’autre.

C’est la stèle de Mérenptah qui est la 1ère attestation de l’existence d’Israël, en tant que peuple. Elle date de 1207 avant notre ère. Si l’on suit votre raisonnement, que je résumerai brièvement ainsi, «Israël» est une fiction historique, fruit de nombreuses influences littéraires et du travail des scribes qui ont façonné une légende nationale, dans ce cas, cette fiction historique est déjà achevée aux alentours de l’an 1200 avant notre ère et elle est suffisamment connue pour désigner Israël dans les annales égyptiennes, au titre d’ennemi vaincu.

Que recouvre « Israël » à telle époque ou telle époque historique ? Ici, on parle des royaumes de Juda et d’Israël ; là, on parlera de Judée, puis de Syrie-Palestine sous Hadrien. C’est souvent l’envahisseur qui a imposé un nom à une terre qui n’en avait pas, car elle n’est désigné que par son possesseur : la Terre d’Israël. Et qu’est-ce qu’Israël aujourd’hui ? C’est un sujet qui pèse son poids de vies humaines.

Quelle que soit la réalité géographique ou historique, « Israël » a toujours été coincé politiquement, culturellement et commercialement entre des grandes puissances, porteuses de civilisations dont l’éclat nous éblouit encore. Les parentés littéraires que vous décrivez sont indubitables : de mon côté, je trouve à l’histoire de Sodome, des airs de mythe de l’Atlantide. Les livres dits deutérocanoniques, qui sont mes préférés de l’Ancien Testament, écrits à l’époque hellénistique, attestent d’une belle rencontre entre la pensée juive et la philosophie grecque. Ce sont les textes les plus raffinés de l’Ancien Testament.

Finalement, en essayant de prendre un peu de hauteur, le pire d’Israël, c’est de toujours jouer en défense face à un adversaire plus ou moins dangereux : face à l’Egyptien, à l’Assyrien, au Romain… au chrétien ? Alors Israël se replie sur sa Torah pour la dessécher en observances stériles ; sur son origine patriarcale de lointaine mémoire et sur sa souveraineté royale depuis longtemps perdue. Israël aura plus souvent été sous domination étrangère que royaume indépendant et les envahisseurs n’en ont souvent fait qu’une bouchée. On se console comme on peut des aléas de l’histoire…

Elle ne l’est pas et ne veut pas l’être… Elle est le livre qui décrit la condition humaine, dans ses aspirations les plus hautes comme dans ses échecs les plus définitifs. La Bible est le livre de la violence surmontée, dans un chemin forcément risqué, inattendu et difficile.

Vous ne pouvez mettre en doute la Genèse et l’histoire d’Abraham sans discréditer avec elles, celle d’Ismaël : pas d’Abraham, pas d’Isaac ? Alors pas d’Ismaël. Quel droit d’aînesse à faire valoir et contre qui si tout ceci est fictif  et d’origine tardive ?

La chronologie que vous proposez ne cadre pas avec les enjeux du contentieux entre Ismaël et Israël. Pour le coup, on se demande même d’où il pourrait bien venir si les textes sont aussi tardifs, légendaires et incertains que vous le prétendez. Ajoutons à cela que si l’existence d’un «Israël» est historiquement attestée (la stèle de Mérenptah dont je parlais plus haut), il n’existe aucun « peuple d’Ismaël », mais des peuples arabes qui se réclament de lui. C’est différent.

Je vous souhaite un bon dimanche !

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Wahrani a écrit :

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