9.12.2020

Catholique a ecrit

 

Bonjour Wahrani,

Sur ce sujet, vous me faites un beau méli-mélo de différents sujets : la question du canon des Ecritures «le canon de Muratori» qui en est une attestation très ancienne) ; la rédaction des différents livres du NT et des évangiles apocryphes, les querelles christologiques qui apparaissent et prennent une ampleur inédite au début du IVème siècle et le rôle des conciles dans la définition de la foi.

Je vais essayer de donner des réponses, qui seront forcément synthétiques pour des sujets aussi vastes.

En premier lieu, une chronologie : je vous renvoie à celle de mon message, confortée par le témoignage des manuscrits bibliques eux-mêmes.

Il existe de nombreux papyrus et parchemins des différents livres du NT, tous antérieurs au Concile de Nicée. Le Nouveau Testament est fait d’écrits de circonstances mais jamais de commande. Il se compose de 4 évangiles, d’une vingtaine de lettres d’au moins 5 auteurs différents (Paul, Pierre, Jacques, Jude et Jean) et d’un texte visionnaire (l’Apocalypse). La diversité des genres, des thématiques, des styles d’écriture est si riche qu’on se demande comment et pourquoi un empereur romain aurait demandé la constitution d’un tel ensemble de textes dont d’ailleurs, le pouvoir impérial ne sort pas grandi.

A l’époque du Concile de Nicée, la littérature chrétienne était déjà riche de nombreux commentaires sur ce Nouveau Testament, par des auteurs renommés et autorisés qui croyaient fermement à la divinité de Jésus-Christ. Ce sont les mêmes auteurs qui signalent l’apparition de textes hérétiques, les évangiles apocryphes, à partir de l’an 130 (Irénée et Justin) donc bien après l'achèvement du Nouveau Testament. Tous ces textes apocryphes sont dépendants des textes canoniques dont ils sont un commentaire erroné, propre à justifier des croyances hétérodoxes qui toutes niaient…l’humanité du Christ (gnose, docétisme).

La foi chrétienne et ses textes fondateurs étant les mêmes depuis toujours, ils ont suscité les mêmes erreurs d’interprétation qu’on pourrait énoncer comme suit : la gnose, le docétisme, les pratiques judaïsantes. La première consiste à réserver le salut à une élite spirituelle versée dans une lecture plus ou moins ésotérique de l’Evangile ; la seconde consiste à nier la réalité de l’humanité du Christ pour faire de sa Passion, une illusion ou un faux-semblant ; la troisième consiste à croire que pour être un bon chrétien, il faut être un vrai juif en s’appropriant des rites (circoncision, cashrout, shabbat, observances de la Torah) qui ne sont pas les nôtres.

Voici ce que dit le Catéchisme de l’Eglise Catholique :

465 Les premières hérésies ont moins nié la divinité du Christ que son humanité vraie (docétisme gnostique). Dès les temps apostolique la foi chrétienne a insisté sur la vraie incarnation du Fils de Dieu, " venu dans la chair " (cf. 1 Jn 4, 2-3 ; 2 Jn 7). Mais dès le troisième siècle, l’Église a dû affirmer contre Paul de Samosate, dans un Concile réuni à Antioche, que Jésus-Christ est Fils de Dieu par nature et non par adoption. Le premier Concile œcuménique de Nicée, en 325, confessa dans son Credo que le Fils de Dieu est " engendré, non pas créé, de la même substance (homousios – DS 125) que le Père " et condamna Arius qui affirmait que " le Fils de Dieu est sorti du néant " (DS 130) et qu’il serait " d’une autre substance que le Père " (DS 126).

C’est d’ailleurs tellement vrai que Saint Jean se serait décidé à écrire son évangile contre l’hérétique Cérinthe de sorte que son évangile est celui où la parfaite union des natures humaines et divine en Jésus-Christ est la plus éclatante.

C’est une situation récurrente dans l’Eglise : l’hérésie précède la définition expresse d’un donné de la foi, souvent par le biais d’un Concile qui explicite, récapitule et détermine tel ou tel article de foi chrétienne, pourtant unanimement tenu par le peuple chrétien. En voici un autre exemple : le dogme de l’Assomption de la Vierge Marie, proclamé en 1950 (et seul recours à la procédure de l’infaillibilité pontificale dans l’Histoire de l’Eglise). Voici ce qui est écrit dans le « Dictionnaire de la Bible » de F. Vigouroux en 1912

« L'assomption corporelle de la sainte Vierge n'est pas une vérité de foi catholique, mais ce qu'on appelle une vérité de religion ou de doctrine théologique. Elle n'a été l'objet d'aucune définition proprement dite. Néanmoins on ne peut nier que l'Eglise ne la favorise et ne l'approuve »

S’ensuit une démonstration à travers les attestations artistiques, littéraires et liturgiques de la continuité de la foi du peuple chrétien dans l’Assomption de la Vierge Marie. Pourtant, l’Eglise catholique a mis 1950 ans pour définir ce dogme alors qu’on fêtait le 15 août depuis au moins 16 siècles…

Quant au fait de détruire délibérément des manuscrits, même hérétique, cela est impossible. C’est d’ailleurs pour cela que l’on a trouvé les manuscrits de Qûmran. Hérétiques ou orthodoxes, les manuscrits bibliques ou d’inspiration biblique sont porteurs du nom sacré de Dieu (soit le tétragramme dans l’Ancien Testament et le nom de Jésus qui en est une variante, dans le Nouveau). Ces manuscrits ne peuvent être ni brûlés, ni jetés ni détruits : c’est un sacrilège.

Les manuscrits devenus impropres à la lecture (forcément publique et à voix haute) étaient enterrés soit à l’occasion du décès d’une personne (c’est souvent ce qui se faisait dans les monastères où l’on a ainsi retrouvé un manuscrit de « l‘évangile de Judas » dans le sarcophage d’un moine) ou déposé dans des grottes (Qûmran).

C’est pourquoi ces textes apocryphes n’ont jamais vraiment disparu, ni même été ignorés des auteurs chrétiens, ils ont même parfois été à l’origine de légendes qui apparaissent dans l’art chrétien ou la dévotion populaire (Saint Christophe par exemple).

Dans la paix du Christ,

Catholique

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Wahrani a écrit :

  Je vous cite : Mais, Eh … Oh… Kader, c’est oublier que l’Algérie a été colonisée par les turcs bien plus longtemps que les français : 30...